Le Covid ringardise les vieux modèles : Le cas du Mont Saint-Michel

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Le Mont Saint Michel, un des plus exceptionnels sites français, classé au patrimoine mondial de l’UNESCO. Perché au milieu de la mer, une abbaye bénédictine au style à la fois roman et gothique des plus étonnants, un sanctuaire, une forteresse et une prison dont l’édification s’étale du 10ème au 12ème siècle.

C’est aussi une marée humaine de visiteurs. On en comptait trois millions et demi par an en 2005. Ils sont à peine deux millions en 2019 et la machine se grippe encore davantage depuis la crise du Covid.

Que s’est-il passé ? Pour quelles raisons la recette ne prend-elle plus ? Pourquoi ce concept touristique qui s’assimile à celui de Venise sous certains points, est-il inexorablement voué à l’échec s’il persiste ? 

Le cas d’école du Mont Saint Michel est une occasion de porter un regard sur l’évolution de notre société en rupture et de tenter de prévoir des adaptations de stratégies marketing en découlant : Quelles sont les valeurs à prendre en compte ? Qu’est-ce que nous devons changer ? Comment s’adapter ?

« Le monde d’après » est-il si joli ?

Cette expression journalistique est aussi malhonnête que celle du « Printemps Arabe » qui a en réalité marqué le creusement du chaos au moyen orient, parce qu’elle tente de nous faire croire qu’un événement merveilleux qu’on n’aurait pas vu ou décodé nous est mis en lumière grâce aux journalistes.

3 photos pour illustrer ce qui se passe : 

Un entrepot Amazone

USA : Une femme observe l’arrivée de Johnny Depp

People queue to receive bags with free food and essential products received from donations at the ice stadium Les Vernets, in Geneva, Switzerland, Saturday, May 16, 2020. Following the pandemic coronavirus COVID-19 casts a spotlight on the usually invisible poor people of Geneva. (KEYSTONE/Martial Trezzini)

Distribution alimentaire à Genève – 2020

Le jeu capitaliste atteint un niveau de maturité tel qu’il fragmente encore d’avantage nos sociétés. Comme nous le disions dans un article précédent, « la crise sanitaire et celle économique qui va suivre n’auront comme effet que la continuation de ce mouvement observé depuis 40 ans. Fusions, acquisitions, massifications vont fournir des produits toujours moins chers et vides de sens en même temps qu’elles vont encore développer le travail déqualifié, le chômage et consolider les grandes fortunes ». 

La crise sanitaire de 2020 n’est pas le catalyseur d’un bouleversement sociétal. Elle nous a juste donné les lunettes adéquates pour mieux voir l’évolution de notre société : notre course effrénée au développement et notre refus d’en payer la facture nous mènent-ils dans l’impasse ?

Lorsque nous voyons à quelle vitesse nous avons abandonné les masques alors que nous avons tant reproché à nos gouvernements de ne pas nous en avoir fourni et avons tant applaudi depuis nos balcons à 20h, on aurait des raisons de penser que l’inversion des tendances ne sera pas si marquée que nous ne laissent entendre les journalistes.

Cependant, et cela s’observe chez les jeunes de 20 à 25 ans, le socle des valeurs s’est progressivement déplacé. Ceux qui vont payer la facture de nos dettes abyssales, ceux qui sont écartés du marché de l’emploi, ceux qui n’auront jamais la richesse de leurs parents, ceux qui devront changer de travail plusieurs fois et n’auront pas les retraites de leurs ainés ont compris : l’ascension sociale n’est plus au cœur des motivations, une défiance croissante s’installe envers les responsables politiques, les chefs, les marques. On est plus bondisseur que besogneux, on prend la vie au jour le jour et cela n’empêche pas l’accomplissement personnel.

On les voit mal dans quelques années s’embarquer dans un de ces bateaux de croisière obèse ou arpenter en short les rues du Mont Saint Michel avec une glace dans une main et un bâton à selfie dans l’autre.

Et dans un contexte de crise sanitaire, puis économique et climatique, tôt ou tard, la décroissance s’imposera durablement : C’est le début de la fin du tourisme de masse. N’aurons-nous pas alors envie de plus d’authenticité et de sens, de qualité, de sincérité, de localité, de vie familiale et tendons nous pas à être plus responsables de nos actes ?

L’imposture du Mont Saint Michel

Ce que nous propose ce parc touristique ne repose-t-il pas sur des recettes qui ont fait leurs preuves dans les années 70 en dissonance avec les valeurs émergentes et ce que nous sentons de notre monde de demain ?

Avons-nous encore envie de cela ? Qu’a-t-on créé ? Les images que nous voyons font-elles encore sens ?

Extrait d’une carte d’un établissement bien connu

20 habitants au Mont Saint Michel face à parfois 20000 touristes par jour. Des hôtels 2 et 3 étoiles offrant des prestations aussi chères que vides de service à en juger les avis clients. Des omelettes nature vendues 38€ dans un établissement bien connu, des sablés industriels fabriqués à 1,5 millions d’exemplaires vendus en boite métal aux couleurs rétro. 25 boutiques de souvenirs offrant des produits fabriqués en chine…

Face à cela un barrage visant à désensabler la baie du mont qui coute chaque année plus d’un million d’euros au quel il faut ajouter 6 millions d’euros par an pour l’entretien des infrastructures, la sécurité et la promotion du site.

Quelles questions se poser ?

A voir l’érosion du tourisme Montois de ces 15 dernieres années, on aurait de bonnes raisons de revoir notre logiciel, et ce n’est là qu’un exemple. Covid oblige, à Paris cette année et pour la première fois depuis 20 ans, « Paris Plage » n’a pas eu lieu. Est-il nécessaire de dépenser 5 millions d’euros pour cet événement qui est une contorsion à l’ADN de Paris et qui attire un tourisme peu productif ? Barcelone, Dubrovnik, Venise, Lisbonne…des villes où les d’habitants voient leur lieu de vie progressivement ravagé par le tourisme de masse. Des prix de l’immobilier qui flambent et une culture locale, un art de vivre, une authenticité des quartiers populaires qui fondent comme neige au soleil. La mono activité tue l’économie et il arrive un jour où le piège à cons ne marche plus. Ce qui se passe au niveau de la planète se passe aussi au d’un site et même au niveau d’un hôtel.

N’est-il pas temps de cibler un tourisme plus sélectif et moins destructif du patrimoine ? Au royaume du Bhoutan, un « minimum daily package » de 250 US$ par personne est demandé afin de limiter le nombre de visiteurs dans le but de préserver l’environnement. Entre la politique du Bhoutan et celle du Mont Saint Michel, n’y a-t-il pas une zone de réflexion à investir ?

Le cas d’école du Mont Saint Michel illustre une nécessité de repenser nos modèles. A votre échelle d’hôtelier, êtes vous sûr que votre maison, votre signature, la mise en scène de votre marque, l’expérience que vous offrez, répondront bien à l’évolution des attentes qui se profilent ? Une bonne compréhension de l’évolution des attentes précède toujours l’élaboration ou la refonte de modèles qui gagnent mais il n’y a pas d’intemporalité à la réussite. Les plus grandes civilisations ont toutes connues leur déclin. Sortez de votre hôtel, visitez la France, parlez à vos amis, faites des rencontres, prenez au téléphone l’appel d’un inconnu. On voit rarement seul ce que tout un groupe peut voir, particulièrement quand le décor se transforme à toute vitesse.

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