Le Chiffre d’affaires d’Accor a décroché de 60% en 2020 avec une perte de 2 milliards d’euros.
Si en France l’hôtellerie indépendante est très majoritaire (62% de la capacité d’hébergement et 83% des hôtels), l’hôtellerie de chaîne représente 53% de la capacité d’hébergement à Paris. L’hôtellerie de chaîne des grandes métropoles est plus frappée puisqu’elle se compose d’établissements de plus grande capacité, positionnés davantage sur le segment corporate.
Notre analyse rapide de la réaction des grands chaines hôtelières, en particulier d’Accor et de Louvre Hotels, pose les questions suivantes :
Pierre-Frédéric Roulot, PDG de Louvre Hotels, nous dit « On reviendra à des niveaux d’avant Covid à 5% – 10% près. Il y aura moins de grands meetings, de conférences../..La crise va tuer 20% des entreprises du secteur HR en Europe. En Europe on a eu beaucoup de chose à faire pour se mettre en conformité avec les normes../..C’est de plus en plus compliqué. Il y a une concurrence de plus en plus déloyale avec AirBnB. On se retrouve avec une hôtellerie fragilisée../..Il va y avoir des faillites. Pour l’instant peu en France du fait des aides de l’État mais en Allemagne ça commence. »
Sébastien Bazin, PDG d’Accor, disait il y a quelques mois, « Je vais perdre une partie de ma clientèle d’affaires – mais est-ce 10 %, 15 % ou 20 % ? Nous le savons, et nous devons nous y préparer en inventant de nouveaux services pour compenser cet impact de la crise… »
Accor fait ce qu’il sait faire : déployer. Il va chercher son développement en poursuivant son projet de diversification avec la location de résidences privées de luxe et la conciergerie digitale mais axe surtout son développement principalement en Chine et secondement en Afrique subsaharienne. Nous rappelons que l’opérateur chinois Jin Jiang, qui détient Louvre Hotels, est le premier actionnaire d’ACCOR avec 12.3% de son capital.
Jin Jiang a ouvert 1300 hôtels en 2019, 1000 hôtels en 2020. Son ambition est d’être N°1 mondial. Son objectif est de faire connaître les marques de Louvre Hotels en Chine pour ensuite flécher le tourisme chinois international vers ces marques du groupe à travers le monde.
Louvre Hotels entre sur le marché des résidences de longs séjours avec Tulip Residences qui, à la demande de son actionnaire Jin Jiang, est initialisé en Europe et sera déployé en Chine. Un concept qui combine les recettes life style, les « Mama Shelterise » et les plugge avec un hébergement de type studio ou appartement équipé.
Côté digital, Louvre Hotels, toujours sous l’impulsion de son actionnaire chinois, a mis en œuvre un nouveau concept avec un Campanile à Lyon. Ils ont créé un hôtel « Tuch less », un concept où le service est hyper digitalisé, on le comprend, en réduisant au maximum l’emploi. L’ouverture prévue initialement en 2018 est imminente.
Ce projet est encore une fois une incubation ayant pour objectif d’être déployé sur le territoire chinois et sans doute ailleurs s’il s’avérerait concluant. On peut se poser la question de la pertinence de ce concept dans le monde « post capitaliste » que l’on sent venir.
Accor renforce sa digitalisation, en particulier avec « All Connect », en collaboration avec Microsoft qui offre aux entreprises la possibilité de combiner des réunions présentielles avec des interactions virtuelles. Ce concept n’est pas nouveau mais il va être déployé dans l’ensemble du parc. Ce gadget sera-t-il de nature à rendre son offre plus sexy ?
Un autre défi attend Accor. Sébastien Bazin disait le 6 mai 2021 à l’antenne de BFM Business : « Cette crise va tout changer. Dans 5-10 ans, on se dira que cette crise aura eu quelque chose de salutaire. Une nouvelle réflexion, de nouveaux comportements, une vraie reconnaissance de la valeur de l’humain, des bons technologiques. Cette crise change le comportement des collaborateurs. Je crois qu’entre maintenant et la reprise, 25% des gens qui travaillent dans les hôtels ne reviendront peut-être pas travailler../..On va, j’espère, en trouver d’autres (…) mais il va falloir qu’on accepte que ces gens-là ne reviennent pas, ou alors qu’on accepte de mieux valoriser leur travail, c’est-à-dire peut-être de les rémunérer plus, peut-être de faire en sorte que [leurs postes] soient beaucoup plus polyvalents ».
Cette déclaration sans engagement est néanmoins courageuse et visionnaire mais surtout stratégique. Son adversaire Pierre-Frédéric Roulot aurait-il pu la faire ? Qui saura mieux attirer le personnel dans les années à venir ?
On peut penser en conclusion que les grandes chaînes, convaincues de leur position dominante dans les grandes métropoles françaises, vont surtout border les voiles tout en menant quelques expériences en incubation, renforcer leur digitalisation mais surtout déployer vers l’international. Malgré la crise, ils ont de quoi « tenir quatre ans comme ça », comme le dit le PDG Sébastien Bazin.
On peut également méditer sur ce que nous sentons des ingrédients de leurs projets :
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